Revenir en arrière 08/09/2022 - mission togo ; Togo ; chirurgie pédiatrique

Au cœur d’une mission chirurgicale au Togo

La Chaîne de l'Espoir a opéré 124 enfants à Blitta, à 260 km au nord de la capitale togolaise. Récit d'une semaine de mission itinérante au secours des enfants les plus éloignés des soins.

Assis au chevet de sa fille touchée par la maladie de Blount, N’Baota B. a la tête plongée dans un carnet de soins. Cette anomalie de croissance avait progressivement arqué les jambes

de son enfant. "C’est un grand jour pour moi, car elle souffre de cette maladie depuis sa naissance. Nous n’avions pas les moyens de la faire opérer. Elle avait du mal à marcher. 

À la maison, il fallait l’assister pour faire certaines choses. La situation nous a même contraints à retarder son inscription à l’école", raconte ce paysan de 45 ans.

Ce lundi, Céline, sa fille de 11 ans, est la première enfant à être opérée au Centre hospitalier préfectoral de Blitta dans le cadre de la 13e mission chirurgicale pédiatrique de La Chaîne de l’Espoir au Togo. Cette localité est située à 260 km au nord de Lomé, la capitale.

182 opérations en 5 jours

Près d’elle, Fidèle, âgé de 8 ans, également élève au cours moyen, a été opéré d’une hernie ombilicale. Ce gonflement au niveau du nombril provoquait des difficultés d’alimentation. "Tout a commencé quand Fidèle avait 5 ans. Quand les douleurs étaient intenses, il avait du mal à manger. Il pouvait lui arriver de devoir manquer l’école pendant toute une semaine", détaille Tchalobo D., la mère de famille.Cette dernière habite un village situé à une cinquantaine de kilomètres. Elle a passé deux nuits dans l’hôpital pour que son enfant soit parmi les premiers à être pris en charge.

La veille, 242 enfants démunis -accompagnés de leurs parents- et âgés de 0 à 15 ans ont été reçus en consultation. Une longue file d’attente s’est formée.Deux postes ont été installés pour l’enregistrement des jeunes patients et la prise des constantes (poids, température, taille, fréquence cardiaque, tension artérielle, etc.) et quatre cabines d’hospitalisation aménagées pour les consultations chirurgicales et anesthésistes. Des infirmières ont orienté les familles et aidé les enfants ayant des difficultés à se déplacer.

Des besoins immenses

"Nous sommes agréablement surpris par l’affluence. Nous avions anticipé en prenant toutes les dispositions pour le bon déroulement de la mission. Certaines salles ont été aménagées pour la circonstance", confie le Dr Koumahada Tatoa, directeur de l’hôpital. "Le besoin est énorme. Grâce à cette mission, beaucoup d’enfants retrouveront la santé. Le développement durable, c’est d’abord la santé de l’Homme", renchérit Yao Bassambadi Dazimwaï, maire de la commune.

Debout au milieu de la foule, Boko E. tient dans ses bras son fils, Médard. Âgé de deux ans, ce dernier a une fente labio-palatine, aussi communément appelée autrefois “bec-de-lièvre”. Ce chef maçon arrive de Pagala, localité située à environ 20 km de l’hôpital : "Mon enfant est né avec cette malformation. Je suis peiné de le voir dans cette situation. Dans notre village, certains se moquent de moi. J’organiserai une fête à la maison, s’il est opéré avec succès".

À l’entrée de l’une des salles de consultations, Christophe, âgé de 4 ans, attend patiemment. "Il souffre d'une hernie depuis sa naissance. Parfois, il ressent de fortes douleurs. Il n’arrive pas à marcher et il mange avec peine", explique son père Sèmèkonawo A.

"Toute l’équipe est très motivée pour donner le meilleur d’elle-même", confie le Dr Elsa Marot, médecin anesthésiste bénévole. Cette dernière participe à sa quatrième mission avec La Chaîne de L’Espoir.

Des enfants sauvés, des parents soulagés

Parmi les 242 enfants reçus en consultation, 124 ont pu bénéficier d’une ou plusieurs interventions chirurgicales par une équipe médicale venue de Lomé, appuyée par une anesthésiste et une infirmière de La Chaîne de l’Espoir arrivées de France. 

Hernies, kystes, déviations axiales des genoux, etc. : certains jeunes patients étaient très handicapés par ces pathologies, qui avaient évolué faute de soins. Ils vont désormais pouvoir retrouver une vie normale.

  • Jacqueline, âgée de douze ans, a bénéficié de deux opérations. Elle a été opérée d’une hernie ombilicale et d’une hernie inguinale gauche (au niveau de l’aine). "Les hernies étaient présentes dès la naissance et la faisaient beaucoup souffrir. Les douleurs étaient parfois insupportables : elle pleurait et se tortillait", raconte sa mère, Assi B.
  • Bernard, un bébé de onze mois dont les orteils du pied gauche étaient collés depuis la naissance et qui souffrait d’une hernie ombilicale, a lui aussi eu une double opération. "Parfois, son nombril prenait du volume et il pleurait à longueur de journée. J’avais beaucoup de mal à le calmer. Je suis très soulagée qu’il ait pu être opéré", détaille sa mère, Chabidou L., le visage rayonnant de joie.

 

Au plus près des besoins des enfants

Ces missions itinérantes permettent aux équipes médicales de se déplacer dans le pays pour se rendre dans les hôpitaux de province. Les médecins opèrent directement sur place des enfants vulnérables vivant dans des zones reculées où il est difficile de se faire soigner.

Petit pays de huit millions d’habitants, le Togo compte seulement six chirurgiens pédiatriques, tous en poste à Lomé. "Nous avons installé quatre tables d’opération pour pouvoir prendre en charge un maximum d’enfants", explique le Pr Jean-Pierre Komla Gnassingbé, chef de service de chirurgie pédiatrique au

 Centre hospitalier et universitaire Sylvanus Olympio de Lomé et chef de l’équipe médicale de la mission.

Formation pratique pour les futurs chirurgiens 

Ces déplacements sur le terrain font partie du volet pratique de la formation des futurs chirurgiens pédiatriques togolais. Des étudiants en fin de formation participaient ainsi à la mission. Parmi eux, une dizaine d’étudiants venant de toute l’Afrique de l’Ouest préparent le Diplôme d’études spécialisées (DES) de chirurgie pédiatrique à la faculté des sciences de la santé de l’Université de Lomé, avec le soutien de La Chaîne de l’Espoir. "Cela leur permet de découvrir certaines pathologies. Les étudiants assistent aux interventions chirurgicales et opèrent les enfants", explique le Pr Gnassingbé.

"C’est une expérience très enrichissante pour moi. Car, en pratique hospitalière, il y a certaines pathologies qu’on ne rencontre pas en zone urbaine et qui sont fréquentes dans les localités reculées. Et, pour cette mission, nous avons la chance d’opérer des patients nous-mêmes", apprécie le Dr Kamou Okassaté Sibabi-Akpo, étudiant togolais en cinquième année de DES.

"L’opportunité nous est offerte de bien maîtriser certaines techniques acquises en théorie. Plus on pratique, plus on retient. Car la chirurgie est surtout basée sur la pratique", appuie le Dr Gladys Lebughe Djimo, étudiante congolaise en quatrième année de DES.

"La formation est un axe essentiel : c’est en formant toujours plus de chirurgiens que nous pourrons sauver toujours plus d’enfants", défend Prosper Adigbli, responsable du programme soins chirurgicaux de La Chaîne de l’Espoir pour le Togo et le Bénin.

Et demain ? 

Suite à la mission, une trentaine d’enfants reçus en consultation à Blitta ont été opérés gratuitement par l’équipe médicale du CHU Sylvanus Olympio, grâce au soutien financier de La Chaîne de l’Espoir. Leur pathologie nécessitait une intervention chirurgicale dans une structure hospitalière avec un plateau technique plus équipé, d’où leur prise en charge à Lomé.

"Ces missions sont essentielles car elles sont le seul moyen pour les enfants démunis vivant dans des provinces éloignées de la capitale togolaise de pouvoir bénéficier d’une opération",
martèle Prosper Adigbli.