Interview du directeur médical de l’hôpital de Kaboul

« La plus grande partie de mon travail, ce sont les relations humaines. »

PORTRAIT

P1000070« La plus grande partie de mon travail, ce sont les relations humaines. » En la matière, Alexander Leis semble avoir un don. Il se dégage de ce jeune homme de 37 ans une aura indéniable. Grand, bronzé, sûr de lui, maîtrisant huit langues… Les bonnes fées se sont penchées sur le berceau de ce pédiatre d’origine allemande. Et c’est bien pour cela qu’il s’est lancé dans l’humanitaire : « Je trouve que j’ai beaucoup de chance, je suis né dans un pays où l’accès à la santé et à la formation est aisé et performant, je veux en faire profiter d’autres ».

Diplômé de l’université de Würzburg, Alexander poursuit ses études au Portugal, en Italie et en France. A Paris, il exerce à l’hôpital Necker. Premier contact avec La Chaîne de l’Espoir qui y opère des enfants pauvres du monde entier. En 2003, le pédiatre opte pour le Mozambique. C’est là que Daniel Sidi, chirurgien à Necker et membre de La Chaîne, le retrouve, un an plus tard. « Il m’a demandé si je voulais aller en Afghanistan », dit simplement Alexander, avec ce petit accent dans la voix.

En septembre 2005, il devient le seul médecin permanent à l’Institut médical français de Kaboul mais aussi le coordinateur. « On a construit l’équipe locale progressivement. Ont été recrutés : un chirurgien, un anesthésiste, un pédiatre, un radiologue. Une fois sélectionnés, ils ont suivi une formation en France ». Formation indispensable pour résoudre l’un des gros problèmes rencontrés : « On manque de ressources humaines qualifiées, pas seulement pour les soins mais aussi pour l’administration, la maintenance. Par exemple, si le scanner tombe en panne, personne ne sait le réparer dans le pays. » Médicaments et technologie font également défaut sur place.

"Un fonctionnement tout à fait remarquable"

L’équipe des médecins est désormais passée à vingt-cinq. « Ils prennent de plus en plus d’initiatives, deviennent autonomes. A terme, il faudra que nous, les expatriés, on se retire, on n’est pas là pour faire à leur place », estime Alexander. Cette nouvelle génération de praticiens afghans va, à son tour, former d’autres spécialistes. « C’est exponentiel, on espère que tout le pays pourra profiter de cette qualité de soins. » Sa main oscille dans l’air, s’élève et redescend, comme pour rythmer ses paroles. « En dix-huit mois, c’est une réussite, poursuit le coordinateur , l’hôpital a déjà un fonctionnement tout à fait remarquable, nous avons une qualité de soins proche de celle qui existe en Occident, et ce, dans le contexte particulier de l’Afghanistan ».

Les urgences ne désemplissent pas. Les praticiens y découvrent trop souvent des enfants en situation dramatique car les familles attendent le dernier moment pour consulter. Par manque de moyen, de transports, d’habitude. « Il faudrait faciliter l’accès aux soins car en Afghanistan tout est payant. A l’hôpital, on a créé une prise en charge des enfants indigents ». En sa qualité de médecin, Alexander conçoit difficilement que lieu de naissance et pauvreté puissent décider du sort des enfants. Lui qui se souvient encore de la toute première opération à Kaboul : « C’était une fillette de 8 ans, Nabila »

Ch. P.

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