Muhamel rentre en Irak !

Peut-être aviez-vous reçu un e-mail concernant Muhamel au mois de juin. Pour le sauver, nous avions mis en place une véritable chaîne de solidarité... maillon après maillon.

Peut-être aviez-vous reçu un e-mail concernant Muhamel au mois de juin. Pour le sauver, nous avions mis en place une véritable chaîne de solidarité... maillon après maillon.
Retrouvez les moments forts de cette belle histoire :
 

1- Sur place, en Irak ....
La Chaîne de l’Espoir est présente en Irak depuis 2001. Mais faire venir un enfant d'Irak pour être soigné en France relève toujours de l'exploit... Heureusement, nous sommes en contact avec le Dr Ali à Bagdad, qui repère des cas et établit un premier diagnostic auprès d'enfants cardiaques.
L’urgence a pris le visage de ce petit garçon de 8 ans, Muhamel. Atteint d’une malformation cardiaque, qui aurait dû être opérée dès sa naissance, il étouffe et s’asphyxie. Muhamel souffre d'une cardiopathie, une transposition des gros vaisseaux : une maladie de naissance où l'aorte et l'artère sont inversées.Muhamel
 

2- Mobilisons le plus de fonds possible pour opérer cet enfant !
Nous décidons alors de faire partir un message en urgence pour récolter des dons pour Muhamel et le faire venir en France.
 

3- Par la Jordanie :
Une semaine plus tard, le transfert de Muhamel vers la France s'organise. A cause de la guerre, il doit rejoindre Amman en Jordanie et de là, partir en avion jusqu'à Paris avec des convoyeurs bénévoles... Il n'y a pas de vol direct. Mais mauvaise nouvelle : un couvre-feu empêche la famille de Muhamel de sortir de chez eux... Muhamel loupe son avion ! Nos bénévoles des "soins en France" s'activent et réussissent à le faire venir 3 jours plus tard.
 

4- Dépaysement : la France
L'arrivée à Roissy : Sylvie et Peter, sa famille d'accueil française est là pour prendre le relais. C'est son premier accueil. Dès le lendemain, elle devra l'emmener à la consultation pour confirmer le diagnostic et peut-être avoir une date d'opération.
Muhamel est très intimidé, très fatigué par sa maladie et tant d'émotion...
 

5- Chez Sylvie et Peter : famille d'accueil :
Sylvie nous a gentillement livré quelques impressions de Muhamel... je vous laisse les découvrir.
Jour 1
"Je m'appelle Muhamel. J'habite un petit village près de Bagdad en Irak. Pour l'instant mon sang est bleu et mon cœur se fatigue très vite. Je ne peux pas courir et jouer comme les autres enfants, et j'ai besoin de dormir beaucoup. Je suis très maigre. Je viens d'avoir 8 ans. Je mesure 1,16 m et pèse 16,7 kgs.Je viens d'arriver à l'aéroport de Roissy à côté de Paris. Mes accompagnateurs retrouvent ma famille d'accueil : Sylvie et Peter. J'ai dormi dans l'avion mais suis quand même fatigué. Je ne pleure pas mais je me demande bien ce qui m'arrive.
Sylvie appelle son amie Astar qui vient de mon pays mais vit en France depuis sept ans. Astar va téléphoner à mes parents pour leur dire que je suis bien arrivé. Mon lit est prêt et je suis bien content de dormir un peu. Ensuite je joue avec Peter, je dessine et je mange des noix et une banane. Mais le cœur n'y est pas, je suis bien triste.J'aimerais bien aller encore dans la voiture."
Jour 2
"J'ai bien dormi toute la nuit. Je commence par le petit déjeuner : banane, gâteaux et un verre d'eau, je ne veux rien d'autre.Zut, il faut se laver dans cette drôle de salle de bain, je n'ai pas envie, mais Sylvie m'y oblige. Finalement ce n'est pas si mal, l'eau est chaude et il y a de la mousse. Ah, les dents aussi ? ça vraiment je n'aime pas, mais puisqu'elle insiste…! Elle parle vraiment bizarrement, Sylvie !
Muhamel_et_sylvie_sa_maman_daccueil Super, on prend la voiture ! Direction l'hôpital. C'est bien, à l'accueil il y a une dame pour s'occuper des enfants pendant qu'ils attendent de rencontrer le professeur Sidi. Danièle est là, elle vient toujours accompagner les familles pour les aider et elle comprend tout le langage médical…forcément, elle était infirmière et a travaillé toute sa vie avec les enfants parce qu'elle les aime beaucoup.Que va-t-on me faire ici ? un électrocardiogramme et une échographie. Un médecin stagiaire me parle en arabe, je comprends bien mais je ne réponds pas car je suis très intimidé.Ouf, le professeur Sidi dit qu'on peut m'opérer. Il faudra intervertir les grands vaisseaux de mon cœur et ensuite mon sang sera tout rose, comme celui des autres.
A la maison, il y a une enveloppe avec le numéro de téléphone de mes parents dedans. J'ai beau tendre cette enveloppe à Sylvie, elle ne veut pas appeler. Il est vrai que ce matin j'ai eu mon papa au téléphone et que ça m'a fait pleurer. C'est dur pour moi de comprendre qu'il faut que je m'habitue ici et que moins j'entendrai mes parents, moins j'y penserai.
Je dessine un peu mais n'ai pas trop envie de jouer. Une bonne banane, un gâteau au chocolat, et le "canada dry" que j'ai demandé à Sylvie d'acheter, voilà qui me fait plaisir. Elle ne comprend rien à ce que je dis, mais quand même elle capte quand je veux aller aux toilettes ou dans la voiture, c'est déjà ça. Elle a aussi compris que je ne voulais pas manger sa viande de bœuf et ses légumes, beurk !Allez je suis fatigué…au lit à 20 heures.Dr_staus_pour_le_3e_examenAh, au fait, je ne vous ai pas dit….j'ai vu la tour Eiffel !"
Jour 3
"Chouette, on va dans la voiture, direction un autre hôpital. Cette aiguille qui rentre dans mon bras pour me prendre du sang me fait peur. Pourtant je n'ai pas mal, car tout à l'heure Danièle m'a mis un patch à l'endroit de la piqûre pour que je ne la sente pas  L'anesthésiste lit mon dossier et prend des notes pour préparer mon opération. Il est un peu long, mais on m'a prêté un fauteuil roulant. C'est cool car je n'aime pas marcher, ça me fatigue. Maintenant on change d'étage. Il y a des super ascenseurs, mais celui que je préfère, c'est celui du parking qui est tout vitré. Tout le monde ici est très gentil avec moi. Il y a même beaucoup de gens qui parlent arabe, mais ça non, ils ne sauront pas comment je m'appelle !Bon on m'explique qu'on va prendre une photo de mes poumons. Je fais bien comme on me dit et la photo est bonne du premier coup."
jour 4
"Aujourd'hui je laisse la parole à Sylvie :"
"Il y a à peine un mois, j'ai vu la fin d'une émission à la télévision, sur La Chaîne de l'Espoir. Je me suis tout de suite sentie concernée. Une semaine plus tard j'obtenais facilement un rendez-vous avec Danièle, la bénévole qui fait le lien avec les familles d'accueil. Elle m'a expliqué le schéma "standard" d'un accueil d'enfant en insistant sur les risques et les difficultés, mais en mettant bien en évidence le soutien qu'on pouvait recevoir de l'association. Danièle est joignable 24 h/ 24 en cas de problème de tout ordre. Pendant l'entretien, un dossier est arrivé sur son bureau, celui de Muhamel. Elle me l'a proposé. Cinq minutes plus tard j'ai accepté, sans tout comprendre, comme on se jette à l'eau, mais ayant le sentiment que cette aventure pouvait être très riche.Mais j'ai pu pendant ces trois jours prendre vraiment conscience des difficultés que la maladie cause à cet enfant. Au début, on voit seulement un petit être tout maigre, aux extrémités bleues, qui a besoin de beaucoup dormir, on voit des symptômes, mais on ne comprend pas tout de suite les ravages de la maladie. Cela vient petit à petit, en observant.  Muhamel ne peut pas marcher vite, ne peut pas courir, ne peut pas manger normalement. Il n'a pas de muscles et son corps ne peut pas assimiler la nourriture correctement, ne peut pas faire de vélo bien que ce soit marqué dans son dossier, tout simplement parce qu'il a peu d'équilibre et qu'il n'a pas de force pour appuyer sur les pédales. Et le petit bonhomme compose avec cette fatalité.
Premiersourire_muhamel Et puis aujourd'hui tout a changé. Nous sommes allés chez mon amie Astar, pour qu'elle le connaisse autrement qu'au téléphone, qu'il puisse parler un peu irakien, et pour téléphoner à la famille.J'ai pu lui poser des questions par l'intermédiaire d'Astar, il a pu nous expliquer qu'il n'est jamais allé à l'école, que sa maman n'a pas pu lui apprendre à écrire car elle est elle-même illettrée, que ses frères et sœurs ne vont plus à l'école à cause de la guerre, et que son plus grand souhait serait d'apprendre à écrire. Il a dit qu'avant ses parents avaient des vaches, mais qu'il a fallu les vendre.Il savait qu'il était en France pour une opération et avait bien compris qu'il ne rentrerait pas chez lui avant d'être opéré, mais ne savait pas de quoi il souffrait et ce que lui apporterait l'opération. Peut-être ne lui avait-on pas dit, peut-être lui avait-on dit et n'avait-il pas compris…Aujourd'hui on a pu l'écouter et le comprendre, et ça a tout changé. Il a bien compris que je ne parlais pas sa langue, mais a dit que lorsque j'essayais de parler arabe, il comprenait le peu que j'exprimais. Astar lui a expliqué beaucoup de choses que je voulais lui dire."
Jour 5
"Super journée ! D'accord, j'avais bu un peu trop de coca et je me suis levé 3 fois cette nuit, mais j'ai fait plaisir à Sylvie : maintenant je mange du bœuf sauté, du poulet sauté, des abricots secs, des pommes de terre sautées…en plus de mes chères bananes.Je suis entouré d’adultes qui sont "baba" devant moi. Peter, avec son air bourru, s'occupe beaucoup de moi. D'abord, plantation de graines de carottes….mais je fais ça très bien figurez-vous, j'ai peut-être fait ça aussi avant avec mon papa.Puis Peter me fait un avion avec du journal…nul l'avion, il ne vole pas. Mais qu'est-ce qu'ils croient, que je ne sais pas faire ? Je vous plie un peu les ailes , voilà…il vole maintenant. Bon, d'accord celui de Philippe est plus élaboré…venez, on va l'essayer dehors. Chiche que je l'envoie chez le voisin…et hop, maintenant à Peter d'aller le chercher !!!
Comble du bonheur : Philippe a trouvé Tom et Jerry pour moi. …J'adore…je pourrais passer la journée entière devant eux si on ne me retenait pas. Trop cool !"
Jour 6
"Je vais vous épater : aujourd'hui j'ai mangé du poisson…du thon en boîte car le frais, c'est beurk. Et j'ai bien eu Sylvie. Je lui ai dit que si elle ne me forçait pas à manger ses lentilles, je boirais la soupe à la tomate…ouaf ouaf, elle a marché, mais la soupe, je ne l'ai pas bue !!!
J'ai eu un petit coup de fatigue aujourd'hui, il faut dire que j'avais beaucoup travaillé : aller surveiller mes carottes, donner du pain aux canards à Bercy, aller voir Peter travailler, écrire mon nom dans mon cahier d'écriture, colorier un clown, faire un bonhomme en pâte de maïs, nourrir (un peu trop) mon poisson (ce soir il a eu une indigestion et avait le ventre en l'air, mais on a réussi à le ressusciter !). Après cela, je croyais pouvoir emmener le caddie de Sylvie jusqu'à l'épicerie, mais j'ai eu un petit coup de barre en route et finalement c'est le caddie qui m'a emmené ! Au retour, impossible de tirer ce caddie rempli de choses à manger, bien trop lourd pour moi.
Un petit coup de fil à Astar…elle au moins elle parle ma langue, ça me fait du bien d'entendre un peu la voix du pays. Mais pour entendre la voix de papa, il me faudra attendre lundi, quand on aura des nouvelles de ma future hospitalisation.
Je n'ai pas trop envie d'aller me coucher, car maintenant j'ai récupéré de la fatigue de mon voyage et je trouve ça bien de rester avec les grands un peu."
Jour 7
"Une journée sympa car Peter est là et s'occupe de moi. On plante une tomate et je suis chargé de l'arroser tous les jours. On a réussi à capturer un têtard. On le met dans une boite en plastique et je l'agite très fort. Sylvie est inquiète pour cette pauvre bête…on ouvre : il y a tellement de mousse dans la boite qu'on ne voit même plus le têtard. Je décide de lui rendre sa liberté.
Mon principal problème au quotidien, c'est la nourriture. J'ai un féroce appétit, mais Sylvie et moi n'avons pas les mêmes goûts. Elle voudrait que je mange des légumes mais je lui concède seulement une feuille de salade par jour."
Jour 8
"Je sais que c'est aujourd'hui que je téléphone à mon papa. Je suis impatient, ça ne me rend pas très gai. J'attends qu'Astar arrive car c'est elle l'interprète. Avec Astar, on peut dire beaucoup de choses car elle me comprend mieux que Sylvie. Alors j'en profite pour mettre les choses au point : pas la peine de m'expliquer que je suis ici pour mon opération, je l'ai bien compris. J'ai bien compris aussi que grâce à elle je pourrai jouer comme les autres enfants ensuite au lieu de passer mon temps devant Tom et Jerry. Mais ce que je ne comprends pas c'est pourquoi on attend comme cela. Alors je pose clairement la question : elle aura lieu quand, cette opération ?...personne ne peut répondre et c'est ça qui ne va pas !
Je suis quand même content d'entendre mon papa. Ma maman arrive…là, c'est l'émotion, elle pleure et moi aussi, mais Sylvie pense que ça me fait quand même du bien…après tout on a bien le droit de pleurer quand on a de la peine.
Astar m'a offert des animaux de la ferme et un tracteur. Mais je range tout cela bien précieusement…on ne sait jamais, si on m'appelait pour l'hôpital en urgence, je serais prêt !
Sylvie trouvait que mon éléphant en carton était bien triste, alors je l'ai peint en jaune, puis en bleu, j'aime mieux, en bleu. On le met à sécher dehors, mais comme il pleut, je propose d'ouvrir le parasol pour le protéger.
Jour 9
"Il pleut, ce n'est pas gai, rester comme cela à la maison. On fait notre petite promenade en voiture pour conduire Peter à son travail, mais c'est un peu court.
J'ai découvert la réserve de noisettes de Sylvie. Je connais ça, les noisettes, et j'aime ça. Ils vont me voir à l'œuvre : je les choisis en les agitant pour être sûr qu'il y a quelques chose dedans, puis j'ai assez de force pour les casser tout seul. Ça épate tout le monde !
On me dit que pour que j'aie le meilleur chirurgien il faut que j'attende encore un peu pour l'opération, peut-être la semaine prochaine. Ça ne me fait pas rire du tout mais j'ai quand même eu des occasions de bien rire aujourd’hui : j'ai découvert la flûte, mais le plus drôle, c'est quand Sylvie a appelé Peter : "Peter fil" (Peter éléphant dans ma langue) et Philippe, Philippe "Bakara" (la vache). Alors là, j'ai trop ri, et j'ai même osé les appeler comme ça moi-même…moi qui suis timide, je n'en suis pas revenu !!!"Jour 10
Optm0307 Le bain, j'adore maintenant. J'ai des boîtes et je m'entraine à mettre de la mousse en boite, à voir comment l'eau part toute seule par le trou et comment on refait de la mousse. Je crois que plus tard, je serai vendeur de mousse !Mais qu’est-ce que fait Sylvie ? Elle sort pour moi ce jeu dans lequel on doit piocher des objets et les poser sur les cartes de la même forme, mais je n’ai pas envie de jouer à cela, moi ! Ah, on joue à trois, ça change tout ! Qu’est-ce qu’on a ri. J’ai gagné plusieurs fois. Quand je gagnais un objet, je disais bien fort « ouais » comme les autres !Je crois que les grands ont enfin compris qu’il faut jouer avec moi tout le temps pour que je sois vraiment content. Maintenant on organise le défilé des animaux, et je chante pour mettre l’ambiance. Sylvie me montre la flûte…je vais essayer de jouer l’air de Tom et Jerry…je ne suis pas encore au point, mais je vais m’entraîner. Allez, on va nourrir les canards à Bercy. Ah qu’ils sont gourmands, les oiseaux viennent manger dans ma main.Ah, super journée, je n’ai pas eu un moment de libre !
Jour 11
Bien moins drôle qu’hier, aujourd’hui, c’est un jour « sans ». Evidemment, Sylvie essaie encore de me faire manger des choses dont je n’ai pas envie…du coup, ça me sape le moral pour la journée. Il faut dire que j’exagère, depuis ce matin je ne veux plus manger que des gâteaux, mais bon, on peut essayer quand même !...sauf que ça ne marche pas, Sylvie fait de la résistance, moi aussi, je pleure même pour voir, mais rien à faire, donc mauvaise ambiance…heureusement que je vais voir Astar tout à l’heure, elle au moins elle me comprendra. Oui, elle comprend, mais ne cède pas non plus. Je suis sûr que c’est un coup monté ! Mais j’ai quand même droit à un morceau de chocolat. Et Astar me dit que si ensuite je mange bien, elle donnera toute la tablette pour l’emporter à la maison.Heureusement que j’ai cette consolation car où va-t-on se promener, je vous le demande ?....chez le dentiste, ah merci !!! Il n’est pas trop méchant avec moi, ne fait que regarder, et me donne un certificat pour l’hôpital. Ouf ! Il faudra quand même que j’y retourne car j’ai une carie, mais toute petite.
Jour 12
Ni bien ni mal, cette journée. On part très tôt à l’hôpital. Heureusement que Peter est venu pour me porter, car c’est loin de la voiture. Qu’est-ce qu’on attend longtemps dans cet hôpital ! A midi, on est même obligé d’y manger car il y a encore des choses à y faire l’après-midi. Je suis patient, mais quand même, à 14h je prends Sylvie par la main, et c’est moi qui l’emmène devant le bureau de l’infirmier. On ne va tout de même pas nous faire attendre ainsi toute la journée, qu’ils en finissent avec leur prise de sang, et qu’on rentre à la maison !Pour l’instant, tout est correct pour l’opération, reste à attendre les résultats de la prise de sang car il y a encore un doute sur mon foie. Pourtant, à l’échographie, tout est bon, mais à Necker, ils prennent beaucoup de précautions pour que mon opération soit réussie. En tout cas, ils n’ont toujours pas donné la date de cette opération.Optdscn3648
Jour 13
Maintenant le matin, on chante en se déguisant avec les serviettes de bain. Ce matin, j’ai même un peu dansé, style oriental, vous voyez ce que je veux dire ?J’ai recommencé à manger mieux, et j’ai même épaté Sylvie hier, en mangeant quoi…une pomme ! Et oui, mon premier fruit (mises à part les bananes) depuis mon arrivée en France.
Jour 14
On sort aujourd’hui, et en plus je suis bien content car mon copain Peter est là…pas pour très longtemps…déjà il faut l’accompagner jusqu’à son travail, c’est chouette un tour de voiture ! Ensuite on va chercher les neveux de Peter, Yolane et Edwin. Avec eux je ris bien, je suis moins timide que la première fois que je les ai vus. Katie, leur maman, trouve aussi que je me suis bien habitué à mon entourage. Direction Bercy, les cousins chantent dans la voiture. Un tour de manège : c’est un train avec des wagons, mais nul ce train, d’abord on attend longtemps et ensuite, lorsque le train démarre, il se met à pleuvoir et le train tombe en panne ! On se réfugie chez « nature et découvertes », et là, il y a vraiment beaucoup de choses dont j’ai envie. Sylvie accepte le ressort, les tortues qui nagent dans l’eau et la lampe que j’essaierai ce soir dans mon lit, dans le noir ! Ensuite, mon premier restaurant, et je dévore. Je fais moi-même un hamburger avec le steak haché et deux petits pains français excellents. Puis bataille de fléchettes avec mes amis et Peter qui nous a rejoints. On rapporte le poisson rouge de Yolane et Edwin en pension à la maison pendant leurs vacances, j’en profite pour mettre une bonne poignée de nourriture dans l’eau, il faut bien ça pour deux !!! Quelle journée…je suis épuisé !
Jour 15
Triste temps, il pleut. On a quand même pu s’occuper toute la journée en jouant, dessinant, en téléphonant à Astar et en allant faire un tour de manège.Je crois que ce matin une mauvaise nouvelle est arrivée : il me faudra attendre jusqu’au début du mois d’août pour me faire opérer car il n’y a pas de place pour moi pour l’instant à l’hôpital Necker et il ferme à la fin de la semaine jusqu’à la fin du mois. Ce sera long pour moi, mais je suis quand même bien ici, et au moins je suis sûr qu’il n’y aura aucun microbe car l’hôpital va être désinfecté pendant sa fermeture.
Ce soir on est allé à l’épicerie acheter des glaces. Il n’y avait que des glaces à l’eau, des « mister freeze ». J’en ai choisi une, devinez à quoi…au coca-cola !!! Sylvie n’a pas voulu que je la mange tout de suite, je l’ai eue pour mon dessert. Hum, que c’est bon. J’ai tellement aimé que j’ai dit à Sylvie, en parfait français « c’est boon, merci Sylvie ». Elle était tellement étonnée qu’elle en a eu les larmes aux yeux.
Au fait j’ai oublié de vous le dire, j’adore les mûres qu’on cueille soi-même, ça aussi, c’est boon, et c’est beaucoup plus amusant de manger les fruits que l’on trouve plutôt que ceux qu’on achète.
Souvent j’appelle Sylvie « rala ». Ce soir Astar lui a expliqué que ça veut dire « tante » et qu’en Irak c’est une marque de respect, on n’appelle pas les membres aînés de la famille par leur prénom.Optdscn3644
Jour 16
Mon inscription pour l’hôpital est confirmée pour le 9 août, autant de temps pendant lequel je devrai encore être séparé de mes parents…ah mais, c’était sans compter sur les exploits de Danièle qui a toujours une bonne solution en réserve. En quelques coups de téléphone, elle a trouvé un chirurgien qui connaît bien mon problème…seul ennui, il est à Nantes. Pas de problème, dit Sylvie, c’est ma ville de naissance, je la connais bien et j’y ai encore des amis. Allez, c’est parti pour Nantes.
Du jour 17 au jour 20
Pendant que je m’habitue de mieux en mieux à la France, les choses avancent pour mon opération : je partirai pour Nantes avec Sylvie je serai opéré par le professeur Baron.Sylvie a appelé une amie qui nous hébergera.De mon coté, je fais des progrès : depuis jeudi, comme je me sens bien à l’aise dans la maison, j’ai décidé de me lancer dans le français, c’est rigolo, cette langue. J’ai déjà beaucoup de mots dans ma tête et j’en comprends beaucoup, mais jusqu’à maintenant je n’osais pas les prononcer ; vous savez bien, je suis timide.Je coince sur le « c » que je prononce « t », mais ça n’est pas dû au français, en Arabe je fais pareil.Enfin le beau temps, c’est chouette le soleil, je suis retourné dans le petit train de Bercy, et cette fois il a pu démarrer, et puis, on peut manger des glaces quand il fait chaud, hum, j’aime ça les glaces.J’ai aussi mangé des haricots verts, mais pas n’importe lesquels : plantés par Peter, cueillis, préparés et salés par moi. Voilà, quand on me donne de la top qualité, je les mange, vos légumes verts. Remarquez je suis tranquille pour un moment car le jardin de Peter est tout petit, et on a cueilli tout ce qu’il y avait : une poignée !!!
Ce soir, grand évènement : un magnifique feu d’artifice. On m’a bien expliqué avant que ces tirs, c’était pour rire, et je n’ai pas eu peur du tout. Ça m’a bien amusé, je me suis quand même bouché les oreilles pour le final…mais pas les yeux !
Jour 21
Ce matin, je suis monté sur la balance de Sylvie. On l’avait déjà fait à mon arrivée, je pesais 16,6 kgs. Et maintenant, devinez combien ?.....17,8 kgs, et oui mes amis, après ça ne venez pas me dire que je mange mal, et ce n’est qu’un début, vous verrez après l’opération !
J’apprends à jouer aux dames. C’est Peter qui a eu l’idée. Sylvie m’a appris, pour l’instant elle est plus forte que moi, mais j’ai déjà bien compris le mouvement des pions.J’aime bien quand Magi joue avec moi car elle aussi vient d’apprendre, alors j’arrive à la battre.
Aujourd’hui, pas de voiture, Sylvie en est un peu lassée, dommage, pas moi !
Elle est quand même allée conduire Peter à Bercy ; il était en retard et s’énervait à chercher ses affaires partout dans la maison. Je ne l’avais jamais vu comme cela, ça m’a bien fait rire !
Jour 22
Avec Astar, on appelle ma famille pour lui dire que demain je pars pour Nantes. Comme à chaque fois je suis ému et je pleure un peu quand maman me parle, et encore plus quand c’est ma petite sœur. Pourtant j’avais dit que je serais fort, mais c’est trop difficile d’entendre toutes ces voix aimées.Pourta nt je suis bien ici, tout le monde m’entoure et je fais plein de choses. Ce matin j’ai préparé un beau coloriage pour Astar. Elle était contente de ce cadeau, et moi fier et content de lui donner. Content aussi qu’Astar et Jean-Pierre soient venus chez moi, voir mon univers actuel.Mais demain, tout change, on va aller à Nantes chez Michèle. Et jeudi, le grand jour pour moi. Je suis confiant. J’ai un peu peur, mais en même temps je ne me rends pas bien compte de ce qui va m’arriver et j’ai hâte que ça arrive.Tout est prêt, mes vêtements et mes jouets.Jour 23
Je suis prêt à partir pour Nantes, et content d’y aller. Pour moi, c’est un peu comme des vacances : je vais faire beaucoup de voiture et découvrir une nouvelle ville, ça me plaît. Nous arrivons chez Michèle vers 15 h. Sympa, la nouvelle, elle aussi me prend la tête en essayant de me faire avaler ce que je n’aime pas, mais elle comprend vite qu’avec moi il est inutile de trop insister. On se rend ensuite à l’hôpital de Nantes, au pavillon de la mère et de l’enfant. L’anesthésiste explique des trucs à Sylvie qui comprend que mon opération va être risquée et longue, de l’ordre de 9 heures. Évidemment, il faut préparer plein de matériel qui fonctionneront à ma place si j’ai des défaillances, et notamment un cœur artificiel qui prendra le relais pendant que le chirurgien travaillera sur le mien.On rentre chez Michèle et je passe une bonne nuit.
Jour 24Dscn3659
Cette fois, c’est l’équipe des médecins qui vont me suivre après mon opération que je rencontre. Ils sont gentils, ici. Ils ne veulent pas m’embêter à me faire des trucs qui font mal. La pédiatre regarde seulement un peu mon cœur à l’échographie et ensuite on passe à quelque chose de plus rigolo : on rend visite à mes copains qui avaient pris l’avion avec moi il y a trois semaines. Sara, la grande de onze ans, est encore là. Elle n’a pas le moral et téléphone deux fois par jour à ses parents en Irak. Il parait que ça ne facilite pas la tâche de sa famille d’accueil qui a du mal à lui donner le sourire. Quant à Mohammed, il était sorti de l’hôpital et est revenu quelques jours plus tard à cause d’une thrombose. Mais moi je suis content, ça va me faire un copain.Bon, nous voilà dehors. Il fait beau, et là alors, Michèle « assure » : elle nous emmène voir l’éléphant de « Royal de luxe ». Enooooorme, la bête, toute en bois de tulipier de Virginie, huit mètres de large et douze mètres de haut. Il marche, il barrit et il nous jette de l’eau avec sa trompe. Quand je l’ai vu avancer vers moi, je n ‘ai pu dire qu’un mot : « ouahhhhhhhh » ! Pour compléter la fête, je fais du manège sur des drôles de machines, et Michèle et Sylvie m’offrent un ballon avec une raquette et un dauphin rose tout gonflé qui monte tout seul jusqu’au plafond.Le soir on appelle mon papa, car demain je rentre à l’hôpital. Comme d’habitude je pleure un peu. Avant d’aller me coucher je pleure encore, je dis à Sylvie que j’ai peur de l’opération. Mais elle me rassure en me disant que je ne sentirai rien car on me fera un piqûre et je dormirai.
Jour 25
Cette fois, plus moyen de reculer. J’arrive à l’hôpital et on m’attribue un lit. Mon petit voisin de chambre s’appelle Mohamed. Sa maman est tunisienne et peut parler avec moi. En plus, l’hôpital je le connais maintenant et Sara et Mohamed sont dans la chambre d’à côté. Je n’ai donc pas peur, je me sens à l’aise, dans un lieu connu. On me fait quelques trucs, style radio, température, etc… Je n’aime pas trop la prise de sang mais c’est déjà la troisième, je suis habitué et ne pleure même pas. L’infirmière en profite pour me poser un cathéter ; ça c’est plus douloureux, et ça m’empêchera de passer une bonne nuit, difficile de trouver la bonne position dans mon lit avec ce truc barbare.Plus tard, je demande à aller voir Sara et Mohamed. La famille d’accueil de Mohamed a acheté un appareil à faire des bulles, on peut jouer à deux. Ah, ce qu’on a ri en faisant cette bataille de bulles, il y avait du savon partout, même Sara riait, surtout quand on a fait des formes avec de la pâte à modeler et que Sylvie a prétendu que l’une d’elles ressemblait à Liliane !
Sylvie est revenue dans la nuit parce que je pleurais. En fait j’avais envie de faire pipi, mais je ne voulais pas le dire aux infirmières… je suis pudique et ne les connais pas encore, alors pas question de leur montrer mon zizi ! Et puis j’avais une petite faim, j’ai demandé des chips, mais, pas de chance, on ne devait pas manger avant l’opération.Dscn3668
Jour 26
Sylvie me réveille à 6h30 : il faut se préparer pour l’opération. Une douche avec un désinfectant, puis je revêts le pyjama de l’hôpital et me voilà prêt. A 7h15 on me fait une piqûre pour que je sois bien calme, et à 7h45, on prend le chemin du bloc. A part le cathéter à mon bras qui me fait très mal, je suis bien, je suis prêt. Comme on me l’avait dit, je m’endors très vite.A 13h le chirurgien appelle Sylvie pour lui dire que tout s’est bien passé, qu’il a pu faire tout ce qui était prévu, que mon cœur et mon foie ne saignent pas beaucoup. A 15h30 je sors du bloc opératoire. Je suis très endormi parce qu’on m’administre des médicaments pour que je ne souffre pas. J’apprécie assez peu qu’on m’ait attaché les poignets, mais il le faut car sinon je risque d’arracher le tube que j’ai dans la bouche pour me faire respirer.Sylvie regarde l’écran sur lequel les performances de mon cœur s’affichent : ma saturation en oxygène est de 97%, ce qui veut dire que l’opération a réussi à me donner de l’oxygène comme tout le monde. Avant j’arrivais péniblement à 70% et c’est pour cela que je ne pouvais pas courir ni jouer comme les autres.
Jour 27
Hier soir, après le départ de Sylvie, on m’a enlevé cet horrible tube dans la bouche car je ne m’en servais pas. Du coup on m’a aussi libéré les poignets. A la place, j’ai un petit tube qui me rentre un peu dans le nez. Ils appellent ça des lunettes, c’est pour cela que je l’enlève sans arrêt de mon nez pour le mettre devant mes yeux, non mais, pour qui me prennent-ils, je sais à quoi servent des lunettes, moi ! J’ai un peu mal, et on me donne un peu plus de morphine. Sylvie me parle mais je n’ai pas trop la force de lui répondre. La plupart du temps, je dors. Je demande quand même un peu d’eau : rien, ils ne veulent rien me donner. Mon oreillette ne travaille pas trop mal, mais mon rythme cardiaque est un peu faible, alors on me branche le pace maker pour m’aider.
Jour 28
Je suis un tout petit peu plus éveillé, mais je dors encore beaucoup. Le « coup » du pace maker a bien marché, maintenant mon cœur bat à 115 pulsations par minute sans l’aide du pace maker, ce qui est normal pour un enfant de mon âge.Mon taux de saturation a un peu baissé, vers 90% car j’ai mes poumons un peu encombrés à cause de ce tube qu’ils m’avaient mis au début. Le kiné est venu pour me faire tousser, pour que je sorte ces saletés de mes poumons…il rigole ou quoi, sait-il, lui, comme ça me fait mal de tousser après une opération pareille ! faudra trouver autre chose, les amis !Enfin, je ne perds quand même pas le Nord, je demande un petit coup de coca-cola… ah ils sont sympa quand même, j’ai eu le droit d’en boire une gorgée, ah que c’est bon ce truc là !
Jour 29
Ca va un peu mieux. J’arrive à rester un petit moment réveillé, je fais bien car ça me permet d’apprendre les bonnes nouvelles en perspective : on va m’enlever quelques tuyaux et notamment le drain que j’ai dans le cœur, car je ne saigne plus. Et je vais changer de chambre, sortir de « réa » comme ils disent, pour retourner dans le service où sont mes copains.En plus, je peux parler à Astar au téléphone. En fin d’après-midi, c’est le déménagement. Les infirmières en profitent pour faire le ménage dans les fils, heureusement car moi qui aime bien que mes affaires soient rangées, je trouvais que ça faisait un peu désordre, tout ça. Et puis il faudra aussi me nettoyer toute cette colle que j’ai sur les mains et les bras ; c’est bien d’enlever les fils, mais après, bonjour la colle, j’aime pas ça, moi qui suis si soucieux de mon apparence. Je vais avoir l’air de quoi, moi, si « Princesse » vient me voir ! Princesse, c’est une copine de 9 ans que j’ai rencontrée dans la salle de jeux en arrivant mercredi. Je l’ai regardée du coin de l’œil, mine de rien… elle est belle, princesse, mais je n’ai pas encore osé lui parler, on verra quand je serai rétabli.
Jour 30
Le chirurgien, Olivier Baron, passe me voir. Il me trouve plutôt en forme, mais encore trop tôt pour m’enlever le drain pleural… demain, sans doute. On m’enlève encore un tuyau : la sonde urinaire. Du coup, ça me met en joie et en appétit aussi. Je mange d’abord ½ banane puis une orange, parait que c’est bon pour réactiver mon transit (j’avais demandé des frites, mais évidemment, ils ne me donnent jamais ce dont j’ai envie). Sylvie apporte une grue qu’elle a trouvée dans le couloir et on rigole un peu en la faisant marcher. J’appelle Astar, mais tout à coup j’ai un petit coup de blues en pensant à mes parents, je n’ai plus envie de rire.Et puis je me mets à avoir mal au ventre…ils croient que je n’ai pas de voix, alors là, ils vont m’entendre…bon, l’infirmière comprend tout de suite que des bulles dans mon ventre me font mal, elle me masse et ça va mieux. Il parait que c’est leur histoire de transit qui progresse et que ce serait bien que j’aille aux WC ; d’accord, mais vous avez déjà essayé, vous, cette espèce de bac qu’on vous met sous les fesses…ah merci, pour vous couper l’envie, rien de tel que ce machin là. Pas la peine de m’avoir installé dans un lit dernier cri, à commande électrique, qui se plie dans tous les sens et se met à vibrer quand on lui demande et d’en être encore à l’âge de Cromagnon sur le plan des commodités !!!D’ailleurs hier, j’étais un peu inquiet avec ce lit, c’était la première fois que les infirmières en voyaient un comme ça, du coup elles appuyaient sur tous les boutons, pour un peu, je me serais retrouvé coincé au milieu comme une crêpe !Bon, pour les commodités, on verra ça plus tard, vous pouvez enlever ce bassin qui me fait mal au dos !
Jour 31Dscn3676
Allez, on va passer à la vitesse supérieure, car j’ai envie de sortir d’ici le plus vite possible. D’abord, je sens bien que si j’utilise leurs « commodités » il y aura une explosion de joie, alors allons-y …..ça va, vous êtes contents ? ça n’a pas trainé…un peu plus tard on m’a enlevé quelques tuyaux. Je vais bien et je suis de bonne humeur. Sylvie m’apporte de nouveaux jeux et me prête son portable le soir pour que je puisse regarder Tom et Jerry.J’ai bien envie d’aller faire un petit tour, j’aimerais bien voir la Loire qui coule sous mes fenêtres … glissons-nous doucement vers le pied du lit… zut, je me suis fait pincer par l’infirmier qui me remet dare dare sous les couvertures !
Jour 32
J’ai bien mangé, j’ai bien bu, je suis en forme…on me fait une bonne toilette et on met ma cicatrice à l’air. Dans l’après-midi, adieu les tuyaux qui m’arrivaient dans le cou…ne reste plus que ce fichu drain aux poumons…c’est sans doute pour demain.J’ai de plus en plus envie d’aller me promener, mais rien à faire, tant que j’ai encore des tuyaux on ne m’autorise pas. Je m’assieds au bord de mon lit et ça me fait du bien, c’est déjà ça.Michèle vient me voir et joue aux grenouilles avec moi….elle est nulle, je gagne à tous les coups, quitte à lui pousser la main pour aider !!!!J’ai eu aussi la visite du petit Mohamed (il est bien plus petit que moi, 6 ans seulement) et de Liliane, sa maman d’accueil. J’ai passé un bon moment avec eux.
Jour 33
Je continue de faire mes exercices de kiné respiratoire et je les fais de mieux en mieux : j’arrive à mettre les 3 boules dans le but en aspirant, autant dire que pour l’oxygénation de mon sang, je suis au top !Et voilà, admirez le travail, on m’enlève le dernier drain : ça y est, je suis libre !!! Bon, mais avec tout ça je n’ai pas mangé, moi…et j’ai faim. Ah la la, ils en prennent des précautions : il faut maintenant attendre une heure avant de manger car on m’a donné un produit contre la douleur avant d’enlever le drain…mais puisque je vous dis que je vais super bien. Mais non, ma tête ne tourne pas … je pourrais faire le marathon de New-York, en insistant un peu ! D’ailleurs vous allez voir ce soir, quand Sylvie m’emmènera jusqu’au bout du couloir…Et voilà, je l’ai fait trois fois, le couloir, et je ne suis pas du tout essoufflé, alors, convaincus ?Oui, ils l’ont été, même au point d’annoncer que demain je peux sortir, c’est pas beau, ça ? Dscn3667
Jour 34
Le temps me semble un peu long jusqu’à 14h, des histoires de papiers entre les grands mais me voilà SORTI, en même temps que Sara. Peut-être nous reverrons-nous à l’aéroport le jour du retour vers notre pays. Je suis équipé d’un appareil qui mesure mon cœur. On peut le mettre dans la poche, cela fait très technique et sérieux. Dommage, il faudra le rendre à l’hôpital demain, je l’aurais bien emporté à Bagdad avec moi !Ah ! Que c’est bien d’être à la maison. Je retrouve tous mes jouets, je vérifie s’il n’en manque pas, je vérifie une par une les 24 petites voitures que Jean-Pierre m’a offertes, et surtout je vais pouvoir me promener et manger ce que je veux….enfin, presque, parce que les filles sont toujours vigilantes. J’appellerais bien mon papa…Sylvie est d’accord mais me fait promettre de ne pas pleurer…et je tiens parole : pas une larme !
Jour 35
Ah que je me sens bien ! Je ris, je chante, je joue, et je retourne volontiers à l’hôpital pour me faire enlever le boitier qui a mesuré mon cœur pendant 24 heures.Aujourd’hui, chez Michèle, c’est le jour des visites : Colette, Jean-Pierre et David, les cousins de Michèle, puis Philippe et Magi qui sont venus de Bretagne pour la journée. J’aime bien quand plein de « grands » s’occupent de moi comme ça, et c’est l’occasion de revoir mon copain l’éléphant.
Jour 36
Je me lève en même temps que Jean-Pierre, il boit du lait au petit déjeuner…et si j’essayais ? Mais c’est bon ça aussi. Zut alors, quand je pense que j’ai loupé quelque chose d’aussi bon pendant des années…je vais rattraper le retard, en boire trois fois plus ! Et la brioche, mais pourquoi ai-je refusé les fois précédentes, c’est délicieux, surtout avec la couche de beurre que je mets dessus.Le temps de jouer un peu avec Jean-Pierre, et c’est déjà l’heure de manger : tant mieux, j’avais faim…du crabe, jamais mangé une bête pareille, mais c’est super bon !
Jour 37
Enfin du vrai beau temps, on en profite pour aller voir le petit Mohamed chez Liliane et Christian. Ouais, c’est bien chez eux, il y a un chat qui est super gentil, du gâteau au chocolat et un truc pour faire des bulles que Liliane a acheté pour moi car on avait bien ri avec Mohamed en jouant à ça à l’hôpital… il faut déjà partir ? je serais bien resté là encore un peu, pour aider Christian à peindre son bateau ! Mais demain il faut se lever tôt car on va voir le docteur Lefèvre à l’hôpital.Sur la route du retour : « Rala, Rala, où sont mes bulles ? ah non, zut on les a oubliées chez Liliane. Sylvie ne veut pas faire demi-tour car on est presque arrivés chez Michèle, alors Michèle me promet d’en chercher demain à Nantes.Dscn3687opt
Jour 38
C’est un peu long à l’hôpital, mais le docteur Lefèvre dit que tout va bien, ma radio des poumons est bonne et mon cœur va bien, ma saturation est à 96.On rentre chez Michèle qui me tend un paquet….un pistolet à bulles, les amis ! Alors là, c’est un festival, c’est aussi beau que le 14 juillet, même les voisins se mettent à la fenêtre pour voir mes bulles. Il y en a dans tout le quartier, des petites, des très grosses, des doubles et même des triples. C’est super, les voitures sont shampouinées, y a plus qu’à les rincer !
Jour 39
J’ai une forme d’enfer, moi, depuis quelques temps ! J’arrive même à battre Peter aux Dames. Enfin c’est vrai je triche un peu à la fin ! Peter, il faut que tu voies mon copain l’éléphant…c’est encore mieux aujourd’hui, Peter me porte sur ses épaules, alors je le vois encore mieux, l’éléphant. Ben, au revoir mon vieux, je vais rentrer à Paris ce soir, je suis content de t’avoir rencontré. Merci Michèle d’avoir été si gentille avec moi…tu ne m’en veux pas, hein, de t’avoir appelée Michèle Jerry ?
Jour 40
Bon, de retour à la maison, il est temps de faire l’inventaire de mes jouets, j’espère que je n’ai rien oublié chez Michèle. Ouf, tout est là. Mes carottes ont bien poussé mais il est encore trop tôt pour en manger.Et problème, plus de produit à bulles. Sylvie me donne son produit à vaisselle, mais il est nul. On va en acheter au petit super marché…nul aussi, celui du grand super marché…pas tellement mieux ! Enfin comme ça Sylvie aura une bonne réserve pour faire sa vaisselle !!!Je téléphone à Astar, il faut reprendre les bonnes habitudes ! Papa m’appelle, ça me donne un petit coup de blues comme d’habitude et Sylvie ne comprend pas pourquoi je pleure aussi fort…peut-être pour que ça dure moins longtemps ! C’est vrai, je n’ai pas que ça à faire, pleurer. Je préfère rire et, honnêtement, il n’y a aucune raison pour que je sois triste puisque je sais que je retournerai bientôt chez moi. Mais pas trop tôt quand même, avant il faut que j’aille à la piscine et que je voie la mer et pendant ce temps là, mes cicatrices qui sont déjà très belles continueront de guérir.Allez, je vais continuer les colliers que je fais moi-même pour maman et mes sœurs, un beau cadeau pour elles à mon retour. Et pour maman, il y aura aussi un sachet de lavande. Je l’avais cueillie avant mon opération et maintenant elle est sèche, je peux l’égrener et la mettre dans un petit sac.
Jour 41Peluches_muhamel
"« au revoir moustachfa » (au revoir hôpital). C’est ce que je dis en quittant la consultation du professeur Sidi…« Bon pour le retour » a-t-il dit. Il faudra juste que je prenne chaque jour un médicament pour aider mon ventricule gauche qui n’a pas travaillé pendant huit ans et qui reste très faible.Je pèse maintenant 19 kgs et mesure 1,175 m. j’ai pris plus de 2 kgs et ai grandi de 1,5 cm.Ah, que je suis content. Sylvie me dit qu’il y en a encore pour deux semaines environ, le temps pour Danièle de voir si d’autres enfants de province peuvent repartir avec moi, de trouver un avion, un accompagnateur et de joindre le correspondant en Irak pour qu’il m’accueille à Aman. C’est bien, j’aurai le temps de terminer les cadeaux que je prépare pour ma famille, notamment les colliers, j’ai commencé le 5ème ce matin.Danièle et Claire (de la « chaîne de l’espoir ») m’ont offert un beau nounours, je suis gâté ! Vous verrez sur la photo, c’est celui qui est au centre avec un habit de chirurgien. On l’a appelé « tabib Olivier », en souvenir du professeur Olivier Baron qui m’a opéré.Autour de lui, il y a Michèle, Astar, Claude et Yolane. Je les aime tous beaucoup et ils dorment avec moi.Mais j'ai aussi d'autres jouets que des amis m'ont offerts. Il faut maintenant trouver une valise assez grande pour que je puisse tout emporter.Après cette nouvelle, je me sens encore mieux qu’hier et je cours sur le boulevard pour montrer que je suis en forme. Sylvie dit que me voir courir comme cela, c’est son plus beau cadeau et que maintenant qu’elle a vu cela, elle est contente de me voir partir pour l’Irak.Alors je vous dis merci à tous, qui m’avez aidé dans cette grande aventure de ma vie. Même si je ne vous revois pas, je ne vous oublierai pas."Sylvie : Maman d’accueil :Retour_muhamel
"Ce matin à Roissy nous avons retrouvé Denis, l'accompagnateur, Sara qui venait de Nantes et Noor de Toulouse. La petite Noor un peu perdue ne savait plus si elle devait rire ou pleurer, elle a opté pour les larmes d'émotion. Sara et Muhamel avaient le sourire. Muhamel avait une grande hâte de retrouver ses parents et de leur raconter son aventure. Il nous téléphonera, c'est promis."
"(…) Pour moi, recevoir un enfant d’Irak est aussi un geste très symbolique : il marque mon opposition à la guerre et au racisme, qu’il soit de peau, de culture ou de religion. Si nous le voulons, nous pouvons tous nous entendre, Muhamel et moi en avons fait la preuve.J’espère que Muhamel n’aura jamais à prendre une arme en main et qu’il pourra vivre de façon pacifique. J’espère qu’une fois les Américains partis, les hommes de votre pays pourront trouver une solution pour cohabiter. Il est effrayant pour nous de voir ces images sanglantes de frères qui s’entretuent, sans que nous puissions faire quoi que ce soit.Muhamel est venu chercher la vie en France, j’espère que son pays saura la préserver. Et j’espère aussi que Muhamel pourra très vite aller à l’école ou trouver quelqu’un qui lui enseigne à lire et à écrire, car il est particulièrement intelligent, apprend très vite, et aujourd’hui, sans ces bases, on a peu d’avenir dans ce monde. "